Pour vous présenter le coaching scolaire, j'échange avec Sandrine Tribout. Elle était coach référente à ma formation de coach chez Coaching Ways... d'où le tutoiement !
Comment définirais-tu le coaching scolaire ?
ST : C’est l’accompagnement de jeunes qui appartiennent encore à un système scolaire, vers l’atteinte d’un objectif.
Je pense qu’actuellement on est dans une crise de l’éducation pour différentes raisons, notamment :
- Désacralisation du savoir avec le développement d’Internet et du coup des pertes du pouvoir par rapport au savoir,
- La crise que vit la société se reporte sur les jeunes.
Un sociologue a mis cela en évidence, régulièrement une société met tous ses espoirs dans « sa jeunesse » ou la dévalorise. On est dans le second cas. Il y a plein de systèmes qui sont pour moi en pleine différenciation et qui sont largement médiatisés:
- Le pole de l’éducation qui attaque les parents qui sont démissionnaires,
- Les parents ne trouvent plus les enseignants adaptés dans leur rôle éducatif,
- Ennui et démotivation des jeunes à l’école, perte de sens.
Toutes ces sphères semblent s’opposer, alors que dans le fond chacun souhaiterait satisfaire une éducation adaptée et fonctionnant avec les jeunes . Le coach scolaire et intégral (se reposant sur la théorie intégrale) est là pour prendre en compte ces différenciations et aider le jeune à avancer.
Les jeunes actuellement sont en perte de sens et le sens pour moi est à raccorder aux 4 quadrants de la théorie intégrale. L’accompagnement a lieu dans le cadre de la vie scolaire mais cela dépasse la vie scolaire. Evidemment il y a des objectifs dans le « CA » (« je n’arrive pas à travailler ») mais il y a aussi le « JE » (« je ne me sens pas bien »). Dans le « NOUS », il y a toutes les problématiques d’intégration (« je ne suis pas bien dans ma classe » - « j’ai des relations difficiles avec les professeurs » – « je suis en difficulté avec ma famille ») et dans le « EUX », il y a ceux qui sont décalés par rapport au système (jeunes surdoués… ).
Un enseignant pourrait-il faire cet accompagnement ?
ST : Oui néanmoins, un enseignant va apporter le coté du « CA » de la vision intégrale c'est-à-dire donner des objectifs et creuser des réponses en terme scolaire plutôt méthodologie. L’enseignant a la capacité d’accompagner en terme d’ accompagnement cognitif, didactique, par rapport au savoir méthodologique, pédagogique… Il n’est pas forcément formé pour accompagner le jeune dans son changement identitaire, individuel et n’a souvent pas beaucoup de temps pour cela … La mission de l’enseignant se retrouve plutôt dans la motivation du groupe classe, moins en individuel.
Evidemment il existe d’autres sphères que le coaching pour la relation d’aide aux jeunes. Il y a aussi les conseillers d’orientation, les orthophonistes… et le coach se doit aussi d’entourer le jeune d’autres partenaires, dont il pourrait avoir besoin. Au niveau du « JE », il y a aussi les thérapeutes ou des psychologues.
En fait le coaching scolaire touche différents objectifs. Les jeunes qui arrivent en demande, arrivent toujours par le « CA » c'est-à-dire avec une demande du style : ils n’arrivent pas à travailler, ils veulent progresser dans telle discipline, ils veulent trouver le métier qui leur va bien… Mais il y a toujours une répercussion au niveau les autres quadrants dans la vision intégrale.
Donc en fait le coaching permet :
- De dépasser le « CA » que pourrait accompagner les enseignants mais en l’intégrant aussi bien évidemment.
- D’accompagner aussi au niveau du subjectif c'est-à-dire : Qu’est-ce qui anime le jeune ? Qu’est-ce qu’il a comme valeurs ? Qu’est-ce qui peut le motiver à travailler, à trouver un métier ? ...
- Il y a aussi l’autre dimension du « NOUS » à prendre au niveau de la famille et du contexte social et culturel…
J’utilise des outils pour les différents quadrants. Je suis enseignante à la base donc cela m’aide à pouvoir chercher dans les ressources du jeune ce qui pourrait lui correspondre comme méthode. Je ne suis jamais conseillère, je garde ma position de coach par rapport à cela. Par exemple j’utilise comme outil les intelligences multiples. Je cherche quels(les) types d’intelligence a l’adolescent et du coup qu’est-ce que lui peut trouver comme méthode pour travailler… En fait j’utilise tous les outils qui me parlent par rapport à l’accompagnement du jeune : ce qu’il dit, sa problématique… A priori je ne sais pas quel outil je vais utiliser, mais je choisis en fonction de ce que le jeune amène comme problématique, de ses ressources, de ses motivations intrinsèques et extrinsèques, de ce qu’il vit en lui et de comment il le vit aussi. On touche déjà très fort en coaching scolaire à tout ce que est confiance en soi et estime de soi, parce qu’avec le système en ce moment tel qu’il est conçu (système d’évaluations… ), il y a beaucoup de jeunes abimés par l’école, ou par les valeurs de réussite véhiculées par notre paradigme sociétal.
Quel est le rôle des émotions pour les adolescents ?
ST : Il y a une théorie qui oppose les adolescents et l’adolescence. Les adolescents, cela ne change pas selon les pays, cela commence vers 14ans. Evidemment c’est un changement physiologique et psychique, dû à la puberté. A ce moment de transition les jeunes en effet vivent beaucoup d’émotions car ils sont confrontés sans cesse à de nouvelles expériences et cela a toujours été.
Par contre l’adolescence est différente selon les continents, selon le niveau sociétal (si on fait le parallèle avec la spirale dynamique) : c’est une représentation collective. On dit souvent que les jeunes sont plus dans l’émotion, mais en Europe en fait ces jeunes n’ont plus de rituel de passage qui salue la fin de l’adolescence, et l’entrée dans l’âge adulte. Dans les sociétés animistes par exemple l’adolescence donne lieu à un rituel de passage ou cette émotion peut s’exprimer. Aujourd’hui, les jeunes se manifestent beaucoup pour obtenir la reconnaissance des adultes, pour être admis dans la communauté adulte.
Est-ce une perte de repère ou il y a-t-il des repères (brevet des collèges, BAC…) mais qui ont perdu leur sens... ?
Qu’est-ce que le coaching scolaire n’est pas ?
ST : Le terme coaching est galvaudé, des écoles de devoir proposent des coachs scolaires qui sont juste des accompagnateurs dans les devoirs et c’est tout. Le coach lui garde sa position basse c'est-à-dire qu’il ne va jamais conseiller ou dire sa carte du monde. La difficulté avec le coaching scolaire est par rapport au rôle éducatif, la question est de savoir si un coach scolaire a encore un rôle éducatif. C’est une question philosophique centrale parce que d’un côté il ne doit pas être éducateur mais d’un autre côté il doit pouvoir avoir un rôle éducatif. Moi je suis très bienveillante et j’accueille tout ce qu’ils disent de leur vision du monde mais il y a quand même beaucoup de recadrages à faire sur certaines choses. Le jeune qui travaille 10 minutes par jour et voudrait arriver à 15 minutes… j’accueille au moment et je finis par dire « qu’est-ce que tu te donnes comme chance en travaillant 15 minutes par jour pour un BAC ! ». C’est un rôle éducatif dans les prises de conscience. C'est-à-dire que même par exemple dans le « NOUS », face à la relation aux parents, j’ai souvent des jeunes qui arrivent en position de victime par ce qu’ils ont l’air de subir, j’accueille ce côté révolte néanmoins ensuite j’offre un cadre pour qu’ils prennent leur responsabilité par rapport à ça.
Quelles sont les différences par rapport à l’accompagnement d’un adulte ?
ST : Le coté scolaire est spécifique. Il est utile d’avoir une connaissance du système : que peut-on faire et ne pas faire, quelles sont les attentes du système. J’ouvre le champ des possibles mais cela se passe dans un système qui ne permet pas tout. L’adolescent ne perçoit pas forcément les attentes des professeurs par rapport à un élève. On peut l’aider à voir plus clair sur comment cela fonctionne.
C’est important d’avoir quelqu’un qui a élevé des adolescents et qui connait le milieu dans lequel il évolue ?
ST : Oui je pense que c’est important et en même temps, c’est le risque pour le coach. Lors de ma formation, j’attire l’attention des participants vers leur ombres, les transferts et projections possibles. Les jeunes vont venir chercher chez nous coachs un parent idéal pour eux. Il faut être assez clair sur tout ce qui nous habite. Il faut connaitre le monde des adolescents ou avoir dans tous les cas cet amour et cette bienveillance envers les jeunes. : leur donner un autre regard, et un regard positif sur eux-mêmes.
Quelles sont les dérives possibles ?
ST : Les mêmes dérives qu’en coaching :
- Partir du coté thérapeutique,
- S’occuper d’une déprime,
- Se retrouver parents.
Qu’en est-il du triptyque parent - adolescent - coach ?
ST : Il faut bien poser le cadre en fait. C’est une des raisons pour lesquelles je veux me battre pour une reconnaissance de la spécificité du coaching scolaire. On a tendance à le mettre dans le live coaching, mais il ressemble beaucoup plus au coaching d’entreprise car ce sont souvent des accords tripartites. Si tu es coach indépendant scolaire, tu as des accords tripartites avec les parents. Entre 14 et 18 ans ce sont souvent les parents qui demandent un coaching.
Moi je fais toujours une première séance à trois où je recueille les attentes des parents, et où je leur explique que, dans leurs attentes, je vais travailler l’objectif du jeune. Si l’objectif du jeune ne correspond en rien à l’objectif des parents, je ne prends pas. S’il n’y a pas moyen d’accord je ne prends pas. En réalité, cela ne m’est jamais arrivé… Après toutes les 3-4 séances, j’ai un RV avec les parents où le jeune est présent et où je leur fais un compte rendu en accord avec ce que le jeune veut bien dire.
Qu’est-ce qui pourrait être mis en place pour certifier aux parents un coaching de qualité pour leur enfant ?
A la base, quelqu’un qui est coach certifié (ICF ou ECA). Des formations de coaching scolaire il n’y en pas beaucoup, mais il faut défendre celles qui sont déjà dans des écoles de coaching reconnues, ou données par des coachs certifiés. En Belgique il y a Coaching Ways.
A noter l'existence de l'Association du coaching Scolaire et Etudiant crée en mai 2009 avec le souci de réunir les professionnels qualifiés pour garantir aux étudiants et aux éléves le choix d'un coach en toute confiance et un accompagnement de qualité.
Pour moi deux points sont à retenir pour le coaching scolaire :
- L’amour des jeunes et bienveillance par rapport aux adolescents (cette société est décalée sur ce point),
- Le coté intégral : prendre en compte les 4 quadrants de la vision intégrale (dimensions objective et subjective et perspectives individuelle et collective).
Merci Sandrine ;-))
Il y a encore des places pour la formation de coaching scolaire destinée aux coachs !
2 x 3 jours. Date : 27, 28 et 29 avril / 29, 30 juin et 1er juillet, à Bruxelles
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