Détentrice d’un doctorat (Ph.D.) de l’Université de Montréal en psychologie sociale, Edith Luc est spécialisée en leadership, développement des cadres et management interculturel. Sa pratique vise essentiellement le développement des compétences grâce à la capitalisation du leadership et de la diversité.... Lire la suite de sa présentation
Bonjour Edith j’aimerais examiner avec vous les conditions nécessaires à la mise en place du leadership partagé.
EL : En fait 6 paramètres sont indispensables : la charte comportementale, le partage des informations concernant différents aspects, le but commun clair et partagé, la qualité du dialogue, la coresponsabilité et la confiance mutuelle.
Commençons par la charte comportementale. A quoi cela correspond exactement ?
EL : Prenons un exemple, une organisation a un projet d’amélioration du système comptable. L’équipe investie dans ce projet voudrait que les informations soient partagées et les décisions prises soit communes. Elle doit se demander quels sont les principes directeurs dans notre façon de travailler ensemble et de prendre une décision ensemble ? Il y aura généralement 4 ou 5 principes directeurs : respect, confidentialité, droit à l’erreur, critique du résultat mais pas de la personne…
Le groupe doit avoir discuté les points de la charte en donnant des exemples concrets sur chacune des conditions. Cela rend explicite des souhaits que chacun a de façon implicite et permet de les mettre directement sur la table donc avant même d’arriver à une prise de décision. Ainsi cette charte n’est pas hiérarchique ou verticale mais partagée parce que discutée et assimilée. Elle engage chacun.
Ce genre charte va aider une équipe à fonctionner ensemble correctement. Par exemple, la charte peut définir quand et comment doivent être faits les retours d’expérience au sein des réunions et non pas à l’extérieur des rencontres. Autre exemple, la charte précise (1) comment les décisions vont se prendre et (2) qui va décider si le processus de prise de décision du premier point ne peut être respecté.
Une charte va subir des modifications au fur et à mesure du temps et de l’évolution du groupe.
Je voudrais pour terminer revenir sur le droit à l’erreur qui me semble primordial. Le leadership partagé ne peut pas être appliqué dans une culture de blâme, dans une culture où il y a toujours quelqu’un qui est coupable d’un mauvais résultat ou d’un manquement aux attentes. Il faut une culture du droit à l’erreur !
Concernant le partage d’information, qu’est-ce qu’il ne faut pas louper ?
EL : En fait une des conditions à une prise de décision c’est beaucoup d’informations partagées déjà. C’était des informations réservées aux responsables d’équipe et à la hiérarchie qui maintenant sont partagées : budgets, enjeux politiques (par exemple réceptivité du conseil d’administration par rapport à telle question…), analyses de satisfaction client, analyses quantitatives et qualitatives, points de vue d’experts… Dans le fond, les informations partagées et la discussion autour des actions possibles va venir rassurer les membres d’une équipe sur la décision qu’ils vont prendre. Sinon les personnes ne veulent pas prendre de risque, ne veulent pas s’engager ou ne veulent pas oser finalement.
Comment se prennent les décisions dans cette équipe ?
EL : La prise de décision n’est pas nécessairement par consensus. Le chef d’équipe a une responsabilité différente de celle de son groupe. Mais dans le leadership partagé, il est appuyé par tout une équipe et plus une équipe est mature au niveau du leadership partagé plus la décision va devenir collective.
Dans la charte, il est indiqué que le chef demande des prises de décision collectives en regard des points X, Y ou Z mais que dans l’éventualité d’une divergence, ou s’il a des impératifs que le groupe ne peut pas intégrer, il se donne la légitimité de prendre lui-même la décision en étant très au clair avec le groupe. La charte doit statuer très clairement sur ce type de situation. Si par exemple un chef d’équipe décide de façon aléatoire que la décision ne fait pas son affaire, il y aura une érosion de la confiance collective à pouvoir travailler en leadership partagé. On a la même chose s’il n’y a pas de partage de toutes les informations !
Ce qui est souhaité, c’est une prise de décision rigoureuse et dans l’intérêt d’un but commun ou d’une collectivité. Cela doit être clair et rappelé aux réunions.
On arrive au troisième paramètre : le but commun clair et partagé
Le leadership partagé n’est pas une philosophie en soi mais a la fonction de servir un collectif (cela peut être un client par exemple). C’est important de rappeler le but commun en début de réunion, ils sont là pour un client, pour améliorer le service au client.
Le paramètre suivant est la qualité du dialogue qui se produit au niveau du groupe. Que devons-nous retenir de ce dialogue ?
EL : La qualité du dialogue fait que les gens vont se sentir soit inclus soit exclus, favorisés ou défavorisés, blâmés ou non blâmés… C’est là où l’on discute du problème et non de la personne. C’est là où l’on apprend à intégrer diverses perspectives dans le fond, c’est là où l’on arrête la compétition (rapport dominant/dominé, j’ai raison/tu as tord…). Plus l’équipe va progresser en maturité, plus il va devenir capable de revenir sur sa façon de communiquer. Quand les gens ont compris les différents niveaux de dialogue et la maturité dans le dialogue, ils sont capables très rapidement d’y revenir. C’est le chef d’équipe le facilitateur, ou quelqu’un à qui on a assigné ce rôle en début de réunion, de faire un retour sur la qualité du fonctionnement et du dialogue. Il y a une rotation pour assigner cette fonction. Il aura le double rôle de participer et d’observer le fonctionnement et le dialogue.
Reste la confiance et la coresponsabilité ?
Sans la coresponsabilité pas de leadership partagé ! Sans confiance pas de leadership partagé !
Chacun est coresponsable du bon fonctionnement du groupe pour le but commun.
La confiance elle se construit petit à petit, au fur et à mesure des expériences et de l’évolution de la maturité du groupe. Par contre elle peut se perdre facilement à la moindre dérive. La confiance mutuelle au sein de l’équipe est une condition qui doit être toujours nourrie. Il faut qu’ils se croient capables d’y arriver, qu’ils aient un sentiment d’efficacité collective, les compétences nécessaires pour résoudre ce type de problème, qu’ils sentent chacun performant et engagé. Dès qu’il y a manipulation cela vient faire érosion du capital confiance du groupe.
(à suivre...)
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